Il fut un temps où l’artiste vivait pour émouvoir, pour inspirer, pour provoquer des réflexions ou simplement pour divertir. Il acceptait la règle du jeu la plus élémentaire : plaire suffisamment pour que des gens, librement, choisissent de payer pour son art. Mais aujourd’hui, au Québec, plusieurs ont abandonné ce principe de base.
À la place, on assiste à la montée d’une caste d’artistes subventionnés qui, plutôt que de chercher à séduire le public, préfèrent quémander éternellement auprès de l’État, exigeant que les contribuables assurent leur confort, peu importe si personne ne veut réellement voir, entendre ou lire ce qu’ils produisent.
Et on ne parle pas ici d’un ressenti flou. Il suffit d’observer les faits, visibles pour tous. Allez voir leurs pages sur les réseaux sociaux. Analysez leurs vidéos, leurs publications, leurs annonces de spectacles et de lancements. Des vues faméliques. Des partages quasi inexistants. Des salles vides ou à moitié pleines malgré des billets bradés. Des albums qui ne tournent que dans les cercles subventionnés eux-mêmes.
Le verdict est sans appel : leur art n’intéresse pratiquement personne. Et plutôt que de se remettre en question, plutôt que d’adapter leur démarche pour reconnecter avec la population, ils réclament plus d’argent public, comme si le problème venait d’un manque de financement et non d’un manque d’intérêt.
C’est devenu une économie parallèle, totalement déconnectée du marché réel. On tourne des films que personne ne va voir, on monte des pièces jouées devant des gradins clairsemés, on sort des albums qui s’écoutent à peine quelques centaines de fois, et malgré tout ça… ça continue. Pourquoi? Parce que le robinet fiscal reste ouvert. Peu importe le résultat. Peu importe la demande.
Et pendant ce temps, des artistes indépendants, sans subvention, parviennent eux à bâtir un public, à remplir des salles, à vivre de leurs créations simplement parce qu’ils offrent quelque chose qui touche les gens. Quelle ironie! Ceux qu’on accuse parfois de « commercials », de « populistes » ou de « vendeurs », ce sont eux qui portent aujourd’hui le vrai flambeau de la culture vivante, celle qui s’auto-suffit grâce à l’adhésion volontaire du public.
C’est là qu’on voit à quel point l’idée selon laquelle « l’art mourrait sans subvention » est ridicule. Ce qui meurt sans subvention, ce n’est pas l’art. C’est l’entre-soi confortable d’une petite clique qui refuse de reconnaître que son offre n’intéresse plus.
La culture québécoise mérite mieux que ça. Elle mérite qu’on la libère de cette prise en otage bureaucratique et qu’on lui rende son essence : plaire, toucher, interpeller… et parfois déranger, oui, mais assez pour que les gens aient envie de participer d’eux-mêmes, pas sous la menace fiscale.
On ne devrait jamais être forcés de financer des œuvres qui ne nous parlent pas, qui ne nous attirent pas, qui n’ont pas su prouver leur pertinence. Le vrai respect envers les artistes, c’est de les traiter comme des adultes capables de s’adapter et d’évoluer. Pas comme des enfants qu’il faut nourrir à vie, peu importe leur comportement.
Au fond, la question est simple : si votre art ne trouve pas preneur, combien de temps doit-on vous payer pour continuer à le produire? Indéfiniment? À l’infini?
Peut-être qu’il serait temps de répondre : assez, c’est assez.