Depuis quelques années, un malaise grandissant se fait sentir dans la façon dont les médias québécois rendent compte de l’actualité. Là où le journalisme devrait être un rempart contre la confusion, un outil de vérification rigoureuse et de nuance, on assiste plutôt à une érosion de la rigueur, une uniformité de pensée et un recours répété à la manipulation émotionnelle.
Il ne s’agit pas ici de dénoncer les erreurs isolées ou les biais ponctuels – tous les humains en font. Il s’agit de mettre en lumière une tendance profonde et persistante à la dérive intellectuelle. Une tendance qui mène, lentement mais sûrement, à une perte de crédibilité généralisée, et pire encore, à une population médiatiquement analphabète mais convaincue d’être bien informée.
1. La rigueur journalistique en chute libre
Le journalisme de vérification, où l’on s’assure de la véracité des faits et où l’on présente diverses perspectives, semble aujourd’hui éclipsé par une logique de rapidité, de viralité, et d’indignation. L’article d’actualité devient prétexte à chronique, le titre devient slogan militant, et l’information devient opinion camouflée.
La disparition des vérifications croisées, la citation d’activistes en guise d’experts objectifs, et la reliance à des tweets isolés ou des anecdotes anecdotiques comme base d’accusations générales témoignent d’une paresse ou d’une volonté de construire un narratif, non de refléter la réalité.
2. Uniformité idéologique et chambre d’écho
L’un des signes les plus clairs de la médiocrisation actuelle est l’homogénéité de pensée qui règne dans les salles de rédaction. Les mêmes idées circulent, répétées avec de légères variations d’un média à l’autre. Toute perspective déviante est soit ignorée, soit rabaissée à un stéréotype prêt-à-attaquer.
La droite est automatiquement qualifiée d’extrême, le capitalisme toujours présenté comme destructeur, la critique de l’idéologie dominante (wokisme, climat, immigration) comme dangereuse, sinon haineuse. Ce n’est plus du journalisme, c’est de la catéchèse progressiste.
3. Manipulation émotionnelle et stratégie de la peur
Un autre outil récurrent dans les médias québécois contemporains est la surenchère émotionnelle. Les mots sont choisis non pas pour décrire la réalité, mais pour provoquer la peur, l’indignation, la honte ou la colère. « Guerre », « haine », « eugénisme », « extrême », « attaque »… Un vocabulaire digne de la dystopie, utilisé pour parler de réformes administratives ou de déclarations isolées.
Là où le rôle du journaliste devrait être de calmer les esprits avec des faits, il devient celui qui met de l’huile sur le feu au nom du bien.
4. L’effet sociétal : confusion, polarisation et cynisme
En entretenant une vision manichéenne du monde où les « bons » sont toujours les mêmes et les « mauvais » aussi, les médias appauvrissent notre compréhension du réel. La polarisation s’aggrave, le cynisme s’enracine, et les citoyens désertent le débat public ou tombent dans la réaction épidermique.
Pire encore, les vraies questions passent sous silence : coût de la vie, complicités économiques, libertés civiles, technocratie opaque. Trop complexes, trop nuancées, trop risquées pour le cadre réducteur de l’éditorialisme-militant.
Conclusion : un appel à la lucidité
Il ne s’agit pas de haïr les journalistes, ni de tomber dans le complotisme. Il s’agit d’avoir le courage de dire que les médias doivent redevenir ce qu’ils ont oublié d’être : des chercheurs de vérité, pas des manufacturiers de peur.
Il est temps que les Québécois exigent mieux. Pas des journaux parfaits, mais des journaux honnêtes, diversifiés, capables d’ouvrir le débat au lieu de le verrouiller.
Ce n’est pas un luxe. C’est une urgence démocratique.