Le récent rapport du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a jeté une lumière crue sur une réalité troublante : au Canada, des personnes handicapées ont accès à l’aide médicale à mourir (AMM), même si leur mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible. L’ONU demande aujourd’hui au Canada d’abroger cette disposition, qualifiant la loi de « capacitiste » et suggérant qu’elle perpétue des préjugés selon lesquels la vie avec un handicap ne vaudrait pas la peine d’être vécue.
Pour une fois, je suis d’accord avec l’ONU.
Oui, il est profondément inquiétant qu’une personne vulnérable, vivant dans la pauvreté, sans accès à des soins appropriés ou à un logement adapté, voie l’AMM comme la seule option pour mettre fin à sa souffrance. Il est tout aussi inacceptable que notre société ait pu banaliser à ce point l’idée qu’un handicap, en soi, justifie la mort assistée. La souffrance ne provient pas du handicap lui-même, mais souvent du manque de soutien, de dignité, et de respect que notre société offre à ces individus.
Mais en tant que libertarienne, je ne peux pas accepter l’idée que l’État retire à un adulte autonome la capacité de décider pour lui-même. Il ne s’agit pas ici d’un simple acte médical, mais d’un choix profondément personnel, intime, existentiel — celui de mourir dans la dignité lorsque la vie devient insupportable. Et cela, même si la mort naturelle n’est pas imminente.
Un choix partagé : la personne et le médecin
Ce que plusieurs oublient, c’est que ce choix n’appartient pas qu’à la personne en souffrance. Il appartient aussi au médecin qui, en toute conscience, doit accepter ou refuser de pratiquer l’acte. Il s’agit donc d’un double consentement éclairé, et non d’un automatisme. Aucun médecin ne devrait être forcé à poser un geste qu’il juge moralement inacceptable. De la même façon, aucune personne ne devrait être retenue contre son gré dans une souffrance sans fin parce que l’État doute de sa capacité à faire un choix libre.
La vraie question n’est donc pas : « Faut-il permettre l’AMM pour les personnes handicapées? »
Mais plutôt : « Est-ce que leur choix est réellement libre? »
Et là-dessus, l’ONU soulève un point essentiel. Car il ne peut y avoir de véritable liberté de choix sans options réelles. Si une personne demande l’AMM parce qu’elle n’a pas de logement accessible, pas d’aide à domicile, pas de revenu décent, alors ce n’est plus un choix — c’est une absence de solutions. Ce n’est plus la liberté, c’est l’abandon.
L’alternative n’est pas l’interdiction
La réponse à ce problème n’est pas d’interdire la Voie 2 de l’AMM. Ce serait une grave erreur que de retirer ce droit sous prétexte qu’il est mal appliqué. Ce serait punir les bonnes applications de la loi à cause des mauvais exemples — et sacrifier l’autonomie de milliers de personnes qui ont fait un choix réfléchi, en pleine conscience.
Ce qu’il faut plutôt, c’est s’assurer que chaque demande soit évaluée rigoureusement, avec compassion et vigilance. Et surtout, il faut créer les conditions d’une véritable liberté de vivre : logements adaptés, soutien aux soins à domicile, lutte contre la pauvreté, accompagnement psychologique, accès aux traitements.
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on pourra dire qu’une personne a véritablement choisi — et que l’État a agi avec responsabilité.
En conclusion
L’AMM ne doit jamais être la réponse à une société qui échoue à protéger les plus vulnérables. Mais elle ne doit pas non plus être sacrifiée sur l’autel de la peur ou de la surprotection. Le rôle de l’État n’est pas de choisir à la place des individus, mais de garantir que leur choix soit libre, éclairé et accompagné.
Ce débat n’est pas seulement juridique ou médical. Il est fondamentalement philosophique. C’est le reflet de ce que nous croyons sur la dignité humaine, sur la responsabilité individuelle, et sur la place que nous voulons donner à la liberté dans notre société.
Et pour ma part, je crois fermement qu’il ne peut y avoir de dignité… sans liberté.