Source : www.noovo.info/chronique/haiti-et-le-quebec-accueillir-toute-la-richesse-du-monde.html
Le 14 avril 2025, Kharoll-Ann Souffrant publiait une chronique intitulée « Haïti et le Québec : accueillir toute la richesse du monde » sur le site de Noovo Info. Ce texte, présenté comme un appel à la reconnaissance et à l’ouverture, est en réalité une charge injuste et malhonnête contre la société québécoise, et mérite une réponse critique et documentée.
Premièrement, affirmer que Montréal se trouve sur un « territoire non cédé » est historiquement contestable. Plusieurs historiens, dont Jacques Rouillard, ont expliqué que cette formule largement reprise dans les milieux militants ne repose pas sur un consensus clair. Des traités comme la Grande Paix de Montréal (1701) témoignent de relations diplomatiques et de reconnaissances territoriales bien plus nuancées que ce que laisse entendre ce slogan politique.
Deuxièmement, si Mme Souffrant peut s’exprimer librement et accéder aux médias, c’est justement grâce à sa naissance et à son parcours au Québec. Elle bénéficie de l’ouverture d’une société qu’elle accuse paradoxalement d’exclusion. Si elle était née en Haïti et avait publié un texte aussi critique à l’égard de la société haïtienne, les conséquences auraient pu être bien plus graves, tant la liberté d’expression y est fragile.
Troisièmement, décrire le Québec comme une société raciste qui rejette la richesse haïtienne est un contre-sens. Non seulement le Québec a accueilli des dizaines de milliers d’Haïtiens depuis les années 60, mais il leur a offert des opportunités que bien peu auraient eues ailleurs. Nombreux sont ceux qui ont pu étudier, s’établir, travailler, s’épanouir, et même briller publiquement. Cracher sur cette réalité, c’est nier l’effort d’un peuple accueillant, imparfait certes, mais loin de l’image caricaturale qu’elle dépeint.
Quatrièmement, il est temps de dire les choses clairement : Haïti est pauvre, violente, instable. C’est une vérité brutale, mais nécessaire à affirmer si l’on veut espérer changer quelque chose. Tant que la diaspora et les intellectuels haïtiens refuseront de faire face aux causes internes de cet échec, aucune amélioration ne sera possible. L’histoire coloniale explique certaines choses, mais pas tout. Haïti est indépendante depuis 1804. Deux siècles d’autonomie devraient suffire à bâtir une nation prospère. Ce n’est pas le cas.
Cinquièmement, prétendre que la communauté haïtienne a joué un rôle majeur dans la Révolution tranquille est une réécriture historique. Ce mouvement était avant tout une prise en main par les Québécois francophones de leurs institutions, de leur économie, et de leur destin collectif. Que des Haïtiens aient ensuite participé à la vie publique, bien sûr. Mais ce n’est pas eux qui ont initié le changement.
En conclusion, Mme Souffrant utilise sa tribune pour accuser, culpabiliser, et diviser, plutôt que pour bâtir des ponts réalistes et constructifs. Le respect mutuel commence par la reconnaissance des faits, et non par le rejet de ceux qui vous ont tendu la main. Le Québec n’est pas parfait, mais il ne mérite pas d’être dépeint comme l’oppresseur par ceux-là même qu’il a accueilli, éduqué, et protégé.
Il est temps de dire les vraies choses, avec fermeté, sans haine, mais sans complexe non plus.