La tolérance de la société québécoise envers la médiocrité dans la fonction publique, couplée à une profonde méfiance envers la réussite entrepreneuriale, est un phénomène enraciné dans son histoire, sa culture politique et son modèle économique. Comment en est-on arrivé là? Pourquoi cette dynamique persiste-t-elle? Et surtout, quelles en sont les conséquences?
Un héritage historique marquant
La méfiance envers le secteur privé prend racine dans l’histoire du Québec. Avant la Révolution tranquille, l’économie québécoise était largement dominée par des entreprises anglophones et par l’influence de l’Église catholique. La Révolution tranquille des années 1960 a vu la nationalisation de plusieurs industries stratégiques, avec Hydro-Québec en étant le plus grand symbole. Cette période a ancré l’idée que l’État était le meilleur garant du progrès collectif et du bien commun.
De fait, la fonction publique est devenue le véhicule privilégié de l’ascension sociale. Une « job au gouvernement » est perçue comme un idéal, un emploi sécuritaire et bien rémunéré, protégé par des conventions collectives solides. En parallèle, les entrepreneurs ont longtemps été perçus comme des exploiteurs, un discours qui persiste encore aujourd’hui dans certains milieux.
Un modèle syndical dominant
Le Québec est l’une des juridictions les plus syndiquées en Amérique du Nord. Ce pouvoir syndical a joué un rôle crucial dans la défense des droits des travailleurs, mais il a aussi contribué à rigidifier la fonction publique.
Dans plusieurs secteurs, la performance n’est pas récompensée à sa juste valeur, et il est extrêmement difficile de licencier un employé inefficace. Ce climat contribue à entretenir une culture de statu quo où l’amélioration des services n’est pas une priorité. Plutôt que de chercher à améliorer les performances, la solution préconisée par l’État est souvent d’embaucher davantage de fonctionnaires, créant ainsi un cercle vicieux d’inefficacité.
Une idéologie égalitariste à double tranchant
Le Québec valorise fortement l’égalité et la redistribution des richesses. Si cette valeur a permis de réduire les inégalités, elle a aussi engendré une méfiance envers la réussite individuelle, surtout lorsqu’elle est financière. L’idée que « si quelqu’un réussit, c’est qu’il a profité de quelqu’un d’autre » est une perception largement répandue. L’entrepreneur est souvent vu comme un exploiteur plutôt qu’un créateur de richesse.
Ce climat freine l’innovation et décourage l’esprit d’entreprise. Contrairement aux États-Unis, où la réussite est félicitée, au Québec, celui qui s’enrichit est souvent accusé de ne pas avoir « payé sa juste part ».
Une fiscalité étouffante
L’un des obstacles majeurs à l’épanouissement du secteur privé au Québec est sa fiscalité parmi les plus élevées en Amérique du Nord. Avec un taux marginal d’imposition de plus de 50 %, il devient difficile de récompenser l’initiative et la prise de risque.
De plus, une part considérable des revenus fiscaux sert à financer une fonction publique pléthorique et souvent inefficace. Au lieu d’optimiser les services, l’État préfère alourdir le fardeau fiscal des entreprises et des contribuables.
Les conséquences d’un tel système
Ce modèle a plusieurs effets pervers :
- Un manque d’incitatifs à la performance : Dans la fonction publique, peu importe que le travail soit bien ou mal fait, la sécurité d’emploi est garantie.
- Une fuite des cerveaux et des capitaux : De nombreux entrepreneurs et jeunes professionnels talentueux quittent le Québec pour des provinces ou des pays où l’impôt est moins lourd et la culture entrepreneuriale plus dynamique.
- Une économie qui tourne en rond : L’absence d’innovation et de compétitivité freine la croissance économique. Le modèle dépend trop des subventions et de l’intervention étatique.
Une voie de sortie : valoriser la création de richesse et la performance
Si le Québec souhaite briser ce cycle, il devra impérativement :
- Réformer la fonction publique pour favoriser l’efficacité et la responsabilisation.
- Réduire la bureaucratie et encourager l’innovation privée.
- Alléger le fardeau fiscal des entrepreneurs pour stimuler la création d’emplois.
- Changer la culture populaire en félicitant ceux qui prennent des risques et réussissent.
Le statu quo ne peut perdurer indéfiniment. Si rien ne change, le Québec continuera à perdre ses talents et à dépendre d’un modèle économique qui s’essouffle. Le choix appartient aux Québécois : veulent-ils une province dynamique et prospère, ou un état stagnante qui pénalise la réussite et tolère la médiocrité?